Je suis certainement trop perméable. J’ai bien trop de difficultés à vivre les choses avec détachement… C’est ce qui me mortifie quand Andy me reproche ses propres erreurs, c’est ce qui me hante pendant des semaines après un film bouleversant, c’est ce qui me voit overréagir devant la détresse des autres, c’est ce qui laisse à l’obsession du regard des autres le pouvoir sur mes actes depuis toujours…
Alors je n’arrive pas à me remettre d’Into the Wild, rien que la BO me ramène les larmes que je n’ai jamais pu verser pour Alex Supertramp… En sortant du cinéma à Toulouse, on a sauté dans le train de nuit, où j’ai passé le trajet à me cramponner aux accoudoirs et à revoir les images un peu trop fortes, vouloir cent fois remanier l’histoire et refouler les sanglots qui restent bloqués depuis au creux de ma gorge pour ne pas effrayer Kha qui me trouvait déjà un peu trop mutique depuis la sortie. Hormis le jeu des 7 erreurs de réalisation et de montage, le film réussi à bouleverser encore longtemps après son visionnage…
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Et puis quand il y a une semaine on buvait un verre avec lovelybrunette et lovelypixie, elle en riait encore, elle prévoyait que sûrement, bientôt, il faudrait la ramasser à la petite cuillère, mais elle riait. Maintenant moi je n’arrive pas à arrêter d’y penser. Quand je lis comme c’est déchirant, j’en ai le cœur qui bat comme si c’était mon propre amour que l’on m’arrachait. J’ai mal au ventre, j’ai la tête qui tourne, j’y pense pendant 3 heures sans trouver le sommeil. Et ce n’est pas mon histoire, ça n’est pas ma souffrance, pourquoi ça me tue comme ça? Peut-être que je me reconnais trop dans ces autres, et que leur douleur me renvoie à ce qui me glace de terreur. Peut-être parce que moi aussi j’ai caressé les cheveux d’un petit garçon trop intelligent qui sanglotait de son éternelle solitude, de malgré tout trop l’aimer et de comment elle pouvait le rendre dangereux pour ceux qui l’aiment. Peut-être parce que leurs mots d’amour me sont familiers et peut-être parce que j’ai tous les jours cette peur qu’il replonge et qu’il s’arrache à nous. Peut-être que ça n’a rien à voir, peut-être que ma vie amoureuse est juste presque parfaite qu’il me faut croire trop fort aux douleurs des autres pour me sentir encore capable de souffrir par là. Peut-être que j’ai eu beaucoup de chance, qu’il me demande de le sauver, qu’il me courre après, qu’il me force à accepter ses démons et qu’il me remercie tous les jours de m’être battue pour lui et l’accrocher tous les jours un peu plus à la vie. Peut-être que c’est pour ça que je refuse de les voir renoncer. Peut-être que ça me révolte parce que je sais ce qui peut venir après. Peut-être que ça n’a juste rien à voir.
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Pendant ce temps j’essaie de me concentrer sur des contrats de cession de droits en anglais traduits de l’allemand, sur des problèmes de double taxation européenne, sur ces labels sans pitié pour ton travail qui utilisent des images low-resolution dans des livrets d’album distribués worldwild avec le nom du photographe en gros sur de la merde, sur mon boss qui explose en trente seconde tout le boulot pour l’expo de cet été, sur toujours le même procès en cours pour lequel je dois éplucher toutes les archives presse sur K*** C*****, sur tout tant que c’est chiant au possible et que j’oublie un peu que je ne suis pas payée à me lamenter sur toutes histoires d’amour avortées du monde…