And breathe me
Parfois
je me paume toute seule au milieu de tout ce que je voudrais déjà
savoir, comment je veux ma vie, qui j’y mettrais et qu’est ce que
j’en ferais, de toutes ces réponses que je n'aurai jamais.
Je me soutiens que j’accepte tout ça, qu’on se laisse se
construire un peu chacun de notre coté. Je ne l’appelle
presque plus le soir parce que c’est là que tout se bloque,
dans les conversations de loin en loin, où je finis toujours
par être ailleurs parce que je me perds à faire d’autres
choses en même temps et que je n’ai jamais su rester
concentrée, trop vite je perd le fil, je m’échappe et
bien sûr qu’il le sent. J’aime bien voir comme malgré
tout le temps on apprend encore sur nous, sur nos faiblesses et sur
cette distance qu’il nous faut toujours pour respirer. Il sera
toujours l’amoureux solitaire qui se suffit de savoir, et je serai
celle qui file trop souvent dans la lune ou dans un train. Tout le
monde nous regarde comme un étrange record de longévité,
et « oui mais vous c’est pas pareil ». Et
puis sur le point de signer un petit papier, peut être un gros
papier d’accord, je n’arrive pas à imaginer que ça
puisse ébranler notre déséquilibre ajusté
si ce n’est que j’aurai le droit de dormir contre lui dans la
chaleur de Tunis l’été, que je pourrai envisager une
autre issue que la chasse d’eau pour nos erreurs d’allégresse,
que l’on pourra oublier les têtes de cons de la préfecture
et le légendaire serpent qui se mange par tous les bouts, la
carte de séjour nécessaire pour le contrat mais le
contrat nécessaire pour la carte de séjour. Parfois je
me défoule à tous vouloir les envoyer se faire foutre,
la prochaine fois que je devrais supprimer un message de mon père
qui râle de mon silence, la prochaine fois qu'une idiote me
suggérera « un méchoui, ça ferait
sens par rapport, tu vois, à sa culture à lui, tu
vois ». Je vois, je vois. J'aimerais profiter de n'importe
laquelle de ces réflexions on
the slippery slope
(mon expression favorite, dès que possible tout bas dans ma
tête, j'alterne avec subtil
)
du genre sur l'effet islamisant de sa barbe ou de son prénom,
et hop couper quelques ponts, ne plus devoir rendre des comptes, donner des nouvelles, leur ressembler pour les rassurer, surtout. La nuit soudain je me demande ce que je
fous là, à chasser du job chez la grande méchante
Hype alors que l'essentiel est très certainement ailleurs.
Finalement je ne sais même pas si j'aime tellement ça,
pourquoi presque chaque soir au lieu de savourer j'essaie d'estimer
le nombre de chansons jusqu'à la fin du set, presque toujours
c'est décevant, le son c'est crade ou le public est relou, et
jamais je ne reste là, concentration, éternellement. Je
me dégoûte à vouloir sûrement vivre un peu
plus près des étoiles, à sourire dans le vide et
à n'y croire déjà plus. Pour aimer ce que je
fais il me faudrait passer quelques vitesses, concentration, encore.
Si j'essaie d'apprendre de tous ces personnages de fictions sur mon
tout petit écran, on dirait que le mot de passe pour intégrer
le toi en mieux c'est self
control, je
pourrai tellement dépasser tout ça si j'arrêtais
de pédaler mou dans ma propre flemme, si j'arrêtais
d'offrir à d'autres les opportunités qui me font
défaut, si je pouvais je m'achèterais une machine à
me foutre des coups de pieds au cul, ou une baguette magique anti
procrastination, my own personal fléau. Voilà soudain
la nuit j'ai besoin de sa peau chaude sur mon ventre mou pour dormir,
j'ai envie de poser mon crâne au creux de sa paume et
finalement on discute pendant très longtemps, à
nouveau, de travail à accomplir, de nom de famille, de
scénarios de science fiction et du sens de la vie, comme ça.