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12 juin 2009

The time that remains

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Je ne pensais pas y voir des films, je pensais juste bosser comme une acharnée, prendre une heure de soleil les pieds dans le sable entre 12 et 13, rencontrer plein de gens utiles pour ma carrière et tuer mes chevilles sur des talons hauts. En fait non, même pas mal aux pieds, à peu près aucune rencontre, pas vraiment de sable, mais des films, quand même.

A Cannes la première fois qu'on te file des invitations juste après le boulot tu te dis que c'est peut être la seule fois de ta vie que tu vas monter ces putain de marches, alors même s'il faut payer un taxi 50€ pour aller se changer en 2min30 à l'autre bout de la ville pour être à 19h en tenue de soirée exigée devant les papparazzi, ben tu le fais. Et finalement les marches tu les montes très vite parce que Aïssa Maïga reste trois plombes à se tourner juste devant toi et que tu essaies de filer plus vite que leurs vitesses d'obturation pour ne pas gâcher leurs belles photos de sa belle robe sur le tapis rouge avec ta tête de fille qui vient de claquer 50€ en taxi et qui s'est glissée en 2min30 dans une robe H&M noire tout ce qu'il y a de plus basique. Arrivée à ta place tu te dis que quand même c'est vachement moins impressionnant que ce qu'on te montre à la télé, t'es en sueur et tu réalises que ça fait 1h que t'arrêtes pas de courir, t'envoies quand même un message à la moitié de ton répertoire pour partager ton émotion, tu applaudis l'équipe du film qui entre. Putain tu sais même pas qui c'est, tu sais même pas quel film tu vas voir, mais c'est cool, t'es dans une très belle salle de cinéma et le rideau s'ouvre sur le Carnaval des Animaux...

Finalement j'ai vu quelques films en compétition, toujours en fausse tenue de soirée, montant les marches rouges toujours un peu plus vite. Après j'en ai eu vite marre de voir des mecs se faire refouler parce que leur chaussures ou leur pantalon n'avaient pas la bonne couleur et de devoir me saper pour simplement aller voir un film. Le trop plein de glamourez-vous pour une petite minute de marches forcées sous la lumière blanche et la pression des vigiles qui te somment de laisser vite de la place sur le tapis pour les vraies stars. Tout ça pour qu'il s'avère que je n'ai jamais autant dormi au cinéma qu'au Festival de Cannes, comme les 3/4 des gens. Ceux qui bossent la journée s'endorment le soir devant les projections, ceux qui font la fête la nuit s'endorment le jour dans les mêmes fauteuils que les autres, d'autant plus que la plupart des films avoisinent les 2h30.

J'ai vu à peu près 50 min du film d'Haneke qui fait du faux N&B soporifique et quelques merveilleux plans séquences, le Park Chan Wook par contre presque en entier, il me manque quelques secondes éparses de la scène finale qui est magnifique (comme le film mais il est vraiment trop long). Fish Tank est une petite tuerie avec une jeune actrice très prometteuse et une bande originale hip hop qui déchire. Spring Fever est très audacieux, et ça fait vraiment du bien de voir un film asiatique avec une image un peu sale, pas trop éclairée, mais c'est aussi très long... Agora d'Amenabar est une grosse Hollywooderie sans intérêt (sauf pour un plan me disait Cartman, mon cofestivalier : celui de Rachel Weisz sortant du bain. C'est tout.). Panique au village ne tient pas vraiment la longueur, mais j'ai réussi à le voir en entier malgré sa séance à 00h40 juste après Le Ruban Blanc... Reste Kynodontas (Dogtooth), dont je suis ressortie complètement euphorique d'une telle ambition du scénario et de l'image, vraiment stimulant.

Alors j'ai beaucoup dormi dans les fauteuils rouges en orchestre ou au balcon, j'ai somnolé à quelques centimètres de Tarantino qui ricanait juste derrière ma nuque, et puis un peu avant la fin je me suis fais surprendre par la poésie d'Elia Suleiman, son film bittersweet chorégraphié en un bijou de ballet mémoriel, toutes ses musiques qui sont aussi les nôtres, sa pudeur et son enfance pour de grosses larmes qui coulent sur mes joues. Joli cadeau de me retrouver émue et tremblante devant de si petites attentions, puis j'ai guetté sa sortie pour tenter de le revoir, son visage comme un croisement étrange entre mon père et mon amoureux, mais tout le monde est debout à applaudir sans fin et je suis attendue pour la fête de fin de festival de mes boss. J'arrive sur la plage du Majestic les yeux dégoulinants de mascara et je saoule tout le monde avec mon intime palme d'or, enfin heureuse de savoir ce qu'il me fallait pour repartir en confiance.


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