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24 mars 2014

There is water here, there is shapeless mass

J'ai dû partir 3 jours à Paris, pour me changer les idées, pour raconter mon malheur à mes copines, à ma soeur. Parce qu'ici je n'ai vu que mon mec et des infirmières, au bout de deux semaines je me suis surprise à tout déballer sans ménagement à ma productrice, juste parce que c'était la première personne que je voyais depuis tout ça. C'est le truc contradictoire par essence, mon cerveau avait beau être tout à fait raisonné, mon corps criait l'inverse. En parler c'est comme ça aussi, c'est bien trop intime pour l'étaler, il faudrait pourtant faire l'acte militant de briser le tabou. Le timing était parfait, la loi était en pleine discussion à l'assemblée, les gens défilaient dans la rue, on ne pouvait pas ouvrir l'internet ni la television sans entendre parler d'ivg.

 

J'en ai pas parlé à ma mère. On n'a pas ce genre de relation. Déjà la première fois j'ai attendu trois mois, et qu'elle ait bien pris son billet pour presqu'un an au bout du monde. ça l'a rendue triste, elle sait pourtant qu'elle nous a élevés dans cette culture du secret. Quand mon père, au dessus du plateau d'échecs, dans la salle de jeu multicolore de l'hopital psychiatrique, s'est mis à insinuer des horreurs à ma petite soeur, on a réalisé le tabou qui entourait leur divorce. Pourquoi, comment, on se souvient juste que du jour au lendemain, elle nous a forcé à chanter dans l'armoire du salon "tout va très bien, madame la marquise" et hop, on déménageait à 700 km. Elle commence tout juste à réaliser que les non dits empoisonnent les gens, pourtant notre famille se porte plutôt bien malgré les circonstances. On n'est juste pas très proches, pas comme ça. Maintenant elle affirme qu'il faut dire les choses, elle a envoyé une longue lettre à ma petite soeur pour raconter mon père, notre enfance, notre départ. Rien d'anormal. Puis lui nous raconte que la maladie s'est réveillée à la naissance de ma petite soeur, parce qu'il n'en voulait pas, et que ma mère l'a faite quand même. Il est devenu fou. Je suis effarée de la responsabilité qu'elle se retrouve à porter, du mal que ça continue de lui faire.

La semaine dernière, ma mère me raconte qu'elle a eu une extinction de voix à la naissance de mon neveu. Que ses amies un peu hippies lui disent que c'est signe d'un malaise non-dit à propos de cette naissance. J'aurais pu sauter sur l'occasion, lui raconter ma nuit à chialer parce que je venais de prendre les cachets quand j'ai reçu l'annonce de la naissance. Je n'ai rien pu dire, je n'aime pas encourager les théories hippies sur les extinctions de voix. Je pense à mon père qui bascule, à mon mec pas très stable non plus, j'écoute les hippies en boucle.

 

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