Et dépose mon long sac de pierre
Je ré-écoute Le Long Sac de Pierre et les sons subliminaux depuis mon très petit lit sous le ciel Cannois, je me rappelle alors un autre festival, mes trop jeunes années loin déjà, comment commencer trop vite puis peut-être en tomber, comment s'éloigner de tout ce qui aurait pu puis ramer à contre-courant, comment rattraper le temps qui pousse aussi vite que mes cheveux que je m'applique à raccourcir chaque mois un peu plus.
Non non hush hush tu ne pousses pas tu ne pousses plus regarde comme c'est facile comme l'on revient en arrière en arrachant ce qui dépasse...
Je suis entrée là
très vite et tout a disparu sitôt mes talons sur le
tapis du palais. J'ai pu oublier l'océan, mes pieds nus sur le
bois chaud de la terrasse, mes paumes contre la pâte à
pain que je laisse lever dans l'arrière cuisine, puis la fête,
mon vieux papy qui lèche le plat de crème à
gâteau, ses larmes qu'il cache dans ses sourires quand ils lui
chantent son merluchon, qu'on sera encore là pour fêter
ses 112 ans, et 80 c'est pas grand chose c'est 4 fois 20, et mes
larmes que je cache dans l'arrière cuisine le nez contre la
porte du frigo, le chocolat sur ma robe, les histoires d'enfance, de
guerre, et de piscine de Rabat, et un olivier plus grand que lui mais
c'est normal mon papy il est petit. Je croirai toujours que mon papy
est un immortel qui nous regarde grandir en rigolant, il a survécu
à tant de guerres, des grandes et d'autres petites, des loin
dans la jungle et d'autres tout juste dans l'escalier, des guerres à
bombes et d'autres à scalpels, des guerres de gens et des
guerres d'idées, des guerres d'enfant à baluchon et des
guerres de vieil homme à oiseaux, des guerres passées
et encore tellement d'autres à venir qu'il gagnera toutes en
riant fort, en grimaçant pour la photo, en cachant ses larmes
dans son gâteau aux petits bruns...