Dirt in the ground
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Il joue avec mes rêves.
Il me parle de ce job parfait à
Brussels, tellement fait pour lui, tellement bien payé que je
peux me permettre de faire des études à plein temps,
timing excellent et je vois déjà nos dimanches au jeu
de balle ou avec tous mes nouveaux amis qui font du cinéma et
qu'il envie en secret.
Il me laisse construire mon château avec de l'air, il paraît que c'est un proverbe de chez lui, il m'encourage presque à y croire plus que lui et à aimer ça. Je ne l'ai jamais vu aussi enthousiaste, il est l'absolu même de l'impossible. Il aime ce qui me rend heureuse, rien d'autre.
Tout s'est écroulé au retour de Belgique de son directeur. On en aurait presque pleuré. Moi qui ne supporte plus mon job, malgré les contacts de plus en plus intéressants et mon potentiel évident ici, je comptais déjà les jours. L'échéance et le rêve pré-ikea dans ma tête en permanence, pour mieux tenir.
Aujourd'hui il postule à
Toronto, il n'arrive pas à me le cacher même s'il
m'interdit d'y penser. Je m'exécute puisque de toutes façons
rien n'égalera jamais la perfection du scénario Brusselois. J'en
ai rien a foutre de Toronto.
Et finalement c'est lui qui empile ses
briques de gaz, il me dit qu'il y a des master de cinéma,
qu'on parlerait anglais et que tout est renouvelable...
Je n'y crois tellement pas que je me renseigne sur les cartes de séjours « compétences et talents ». Même si le 6 mai nous assènera le coup aujourd'hui déjà évident...
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En
attendant, il me reste un mois pour tout terminer, mes putains de
vidéos et tous les dossiers de recherches. Je ne comprends pas
comment j'ai pu y croire. Comment j'ai pu imaginer que ce serait
simple, ce boulot et les études. C'est incompatible,
totalement. Je crois que la créativité demande une
concentration quotidienne, tous les jours, tout le temps. Et Andy,
pareil. Alors je rentre à 22h et je n'ai absolument pas envie
de me prendre la tête sur mon dispositif, mes partis-pris et
est ce que plastiquement ça marche. Je n'ai pas envie de faire
des photos, je n'ai pas envie de traduire la digestion des
informations reçues, je suis fatiguée et j'aimerai
profiter des terrasses au couchant. J'aimerai bitcher avec des
copines... je ne fais ni l'un ni l'autre parce que j'aimerais bien
m'y mettre quand même. Je parle de moins en moins à Kha,
je m'enferme devant mon ordinateur, je passe les weekends à
regarder des films, je sors de mon lit à 21h30 pour aller ...
au cinéma. Je ne vais pas au concert où je suis
invitée, ni aux soirées dans les clubs parisiens, je
ruine ma vie sociale, toute seule comme une grande. En me lamentant
de ma stérilité intellectuelle.
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