I'll stay home forever
J'ai envie de le bercer doucement, de lui dire que je ne partirai plus jamais comme ça, que je ne l'abandonnerai plus. Il dort, là à quelques centimètres, il fait tous ces petits bruits que je n'entends d'habitude jamais, moi qui dors toujours avant lui, la poupée qui ferme les yeux quand on la couche, la fatale position horizontale.
En rentrant, j'ai senti l'odeur bizarre, j'ai essayé de lui parler, j'ai posé les yeux sur la petite table. Tout à l'heure, j'enfilais mon manteau, je remplissais mon sac d'exemplaires multiples de synopsis Buzzati, et il me narguait tristement. Puisque tu pars je vais me faire des super frites trop délicieuses. Et voilà les frites sont toujours là, sur la petite table, encore dans le plat qu'il n'a visiblement pas touché, toutes cramées.
Je voudrais le consoler mais il dort tellement fort, j'en profite pour écrire, en cachette. Je me dis qu'un jour certainement j'en aurais assez de lui cacher. J'en ai déjà marre de devoir fermer vite les fenêtres Firefox, de devoir me rappeler comment je connais Caro, Clarisse, tout ça. J'en rêve la nuit, du secret qu'il faut préserver, du secret révélé qui culbute tout. Mais je vois aussi ce que ravage l'auto-censure parce que quelqu'un lit, je sais aussi comme il ne supporte pas cette propention à révéler à n'importe qui ce qui nous est de plus intime, je me dis que mon écriture n'est possible que s'il ne la connait pas.
Je me dis aussi qu'avec tout ça il n'a rien avalé de la journée. Encore.