J'ai encore toujours ce réflexe
de venir relire ici pour retrouver les mois perdus, en septembre j'ai
dû laisser l'ancien agenda dans une pile de merdier dans le
bureau, je n'ai plus rien pour savoir, j'ai déjà oublié
2009/2010. Je voudrais trouver un agenda de vie, une demi année
par page, de 1985 à plus tard, pour garder toujours une trace
avec moi, sans devoir chaque rentrée me débarrasser de
l'année passée. J'essaie de me souvenir depuis
juillet...
En août j'ai traîné
ma soeur très tôt dans le jardin et sur la plage déserte
puis très tard dans l'océan et le karoke pourrave de
bord de mer. Elle s'est laissée faire sauvagement pendant que
je galérais avec mon dispositif de tournage complètement
à l'arrache, cette fois pas de terreur de pellicule ou de
lumière, plutôt une espèce de liberté
totale presque plus angoissante... j'oublie de réfléchir,
j'essaie de me défendre avec du bidon sur l'instinct et
l'improvisation, en vrai je sais même plus ce que je fous là,
quelle histoire il faut filmer, encore moins comment je vais monter
tout ça, j'appuie sur le bouton et je laisse faire, j'essaie
juste que ça reste joli, le résultat est surtout très
flou.
Après on rentre à
Toulouse reprendre le cours de tous ces tournages à préparer,
je perds déjà le fil, elle s'occupe de dérusher
et m'emmène faire de l'aviron sur la Garonne
et jouer aux échecs sur la prairie. Il fait 40°, on
regarde les gouttes de brume s'accrocher à nos bras en
calculant l'anarchie de nos cycles, on se coupe les cheveux, on
bronze encore un peu.
En septembre il m'emmène à
Tunis en plein milieu de ma préparation overbookée d'un
petit film trop ambitieux pour nos petites épaules (nos petits
comptes en banque surtout). Je tourne en rond sans rien pouvoir
avancer, le grand retour du cauchemar catastrophe où le
travail en retard me poursuit pour me bouffer, ou un truc comme ça.
Je me réveille en hurlant mais au moins il est avec moi
(l'avantage d'avoir signé). En pleine nuit ses approches frigo
se heurtent au zèle de sa petite soeur qui doit s'assurer de
notre respect total du ramadan... on a tenu les trois jours qui
restaient pour faire bonne impression, en mangeant du mesfouf la nuit
et en regardant Fatafeet toute la journée. J'ai quand même
fini par le traîner à la plage désertée,
pour oublier qu'un oncle venait de mourir et que la télé
ne parlait que du 11 septembre. Encore une fois nager...
En rentrant, la spirale du tournage
d'une autre, donc. Deux semaines un peu magiques où tout le
monde s'aime un peu trop et où la moitié des journées
se finissent en comédie musicale sur le plateau, mine de rien
on termine à l'heure et en ordre, très bien. En
octobre, il me reste une semaine pour regarder mes 12 heures de
rushes (fiction documentaire, plus jamais), faire un bout à
bout et soutenir mon film. Je replonge dedans, j'essaie d'aller vite,
je passe de 45 minutes à 22 entre les deux derniers jours, la
soutenance se passe très bien. Je commence à accepter
la fatalité de ma procrastination maladive : il me faut sans
cesse trouver des deadlines. Justement, la nana responsable des
festivals m'en donne plein, il me faut une deuxième version
pour le 30 octobre, des sous titres pour le 30 novembre, une version
finale pour une projection le premier décembre.
En novembre, donc, je suis partie 15
jours dans les landes voir l'océan sous la tempête et
écrire un filmdefindetudes (comme quoi c'était super
urgent) en atelier scénario. Il faisait froid mais y'avait des
plaids, du vin et des gens plutôt chouettes. C'était
vraiment pas le moment de prendre du temps loin de final cut mais ça
sentait l'automne et l'océan, quoi qu'il arrive j'aurais
sûrement glandé tout ce temps avant de me speeder à
la fin du mois. Ensuite les cours ont repris, j'ai reçu la
confirmation pour New York, et ces derniers jours c'est un peu tout
en même temps, les naissances et les deuils, le montage final, l'étalonnage, le
mixage, les sous titres, la paperasserie pour le visa, les 12000$ à
mendier, les vaccins, les exercices de découpage, les
inscriptions aux cours du spring semester et craigslist brooklyn.
Demain soir ça sera peut être ma seule projection en
festival de ma vie, j'ai déjà mal au ventre mais après
ça je ne serais plus obligée de revoir ce film, je
passerai à la suite, ça ira.