J'essaie de redescendre doucement, après la semaine intensive et tous ces gens. Je me plonge vite dans autre chose, les vrais cours de la vraie fac pour oublier que ça ne marchera surement pas. L'épreuve de scénario commençait par "vous faites partie de l'équipe de scénaristes de Lost" et le jury ne s'intéressait qu'aux histoires cocainées de ma vie parisienne. J'ai essayé pendant 6h de changer la vie de Jack Shephard, et je donnerais tout pour repasser l'oral sérieusement...
Pendant ce temps, pas si loin, des mecs décrètent qu'une gamine de 9 ans est apte au mariage parce qu'à cet age là "elles sont plus performantes au lit". Le monde entier pète les plombs, ça ne devrait pas tarder à trembler sous nos pieds, et pourtant je m'évertue de parler de cinéma...
Le matin avant d'arriver je ralentis, je mets la musique plus fort, je ferme mon visage un peu plus. A la mi-journée le sourire est revenu, ces gens qui me filent des surnoms, ces mecs qui me parlent de mes collants d'une couleur différente chaque jour, ces filles qui me regardent un peu trop au fond des yeux. La petite Australienne squatte depuis une semaine à la maison, le soleil tape fort, le tournage de la comédie musicale gore m'a révélé ce que je savais déjà : je suis un peu trop douée pour commander. Puis il me reste une traduction d'un texte sur la traduction à rendre demain, un scénario à écrire très vite, et les déceptions à digérer. Je me surprends à m'énerver sur tout et n'importe quoi, à prendre trop à cœur ce qui devrait me laisser froide, à pleurer sur ceux pour qui je croyais compter et qui me prouvent que pas-vraiment-non, à pester contre le manque de professionnalisme de certains enseignants, à rager contre tout ce qui ne fonctionne pas. En rentrant le soir je ralentis, je mets la musique un peu plus fort et j'essaie de calmer ce flot d'exaspération qui me noie. J'essaie de ne pas perdre le fil qui me relie à Kha, j'essaie de continuer de le faire rire, j'essaie d'éponger mes nerfs ailleurs que dans son cou. J'avais oublié comme il peut être épuisant de soutenir seule le poids de deux vies entières.
J'ai envie de le bercer doucement, de lui dire que je ne partirai plus jamais comme ça, que je ne l'abandonnerai plus. Il dort, là à quelques centimètres, il fait tous ces petits bruits que je n'entends d'habitude jamais, moi qui dors toujours avant lui, la poupée qui ferme les yeux quand on la couche, la fatale position horizontale.
En rentrant, j'ai senti l'odeur bizarre, j'ai essayé de lui parler, j'ai posé les yeux sur la petite table. Tout à l'heure, j'enfilais mon manteau, je remplissais mon sac d'exemplaires multiples de synopsis Buzzati, et il me narguait tristement. Puisque tu pars je vais me faire des super frites trop délicieuses. Et voilà les frites sont toujours là, sur la petite table, encore dans le plat qu'il n'a visiblement pas touché, toutes cramées.
Je voudrais le consoler mais il dort tellement fort, j'en profite pour écrire, en cachette. Je me dis qu'un jour certainement j'en aurais assez de lui cacher. J'en ai déjà marre de devoir fermer vite les fenêtres Firefox, de devoir me rappeler comment je connais Caro, Clarisse, tout ça. J'en rêve la nuit, du secret qu'il faut préserver, du secret révélé qui culbute tout. Mais je vois aussi ce que ravage l'auto-censure parce que quelqu'un lit, je sais aussi comme il ne supporte pas cette propention à révéler à n'importe qui ce qui nous est de plus intime, je me dis que mon écriture n'est possible que s'il ne la connait pas.
Je me dis aussi qu'avec tout ça il n'a rien avalé de la journée. Encore.
Je ne suis pas de ceux qui savent mieux dire la tristesse, qui écrivent mieux le noir que le blanc. Mon cœur est vide, mon cerveau aussi, je ne saurai pas en faire de jolies phrases. Je saurai juste dire que je donnerais tout pour retrouver celle que j'étais avant, je ne sais pas chérir les drames, je voudrais retrouver mon enthousiasme et mon sourire, mes émotions aussi, cesser un instant de sonder mon cœur et mon corps et passer un peu de temps à vivre heureuse. Je n'ai jamais été comme ça, j'ai été malheureuse mais toujours par quelque chose de plus fort, le manque, la colère, la folie. Aujourd'hui je pleure sur le néant, je ne ressens plus rien, je suis une grosse masse vide. Est-ce que le vide est encore plus fort... Si j'écoute le peu que me disent mes sens je réalise que je n'aime plus son odeur, que son bras sur mon ventre ne crée plus cette onde calme qui m'endormait si vite, que je n'arrive même plus l'embrasser. Je sais très bien que ça veut tout dire. En remontant la rue tout à l'heure j'ai même envié les lycéens qui sortaient de cours, la simplicité de leur vie tellement compliquée tu vois. J'erre comme ça dans les très grandes librairies, je déleste mon compte en banque de 33€ de prose de Rilke (merci) en ressassant au fond les images de The Burning Plain, très belle mauvaise idée si comme moi tu hésites à succomber au chant des sirènes pour tout plaquer pour te sauver loin, changer de voix changer de nom changer de vie. J'imagine m'échapper, me faire rattraper par mon amour quand tout sera différent, quand il sera de nouveau l'homme que j'aimais mais en mieux, quand je serais encore un peu cette fille tombée amoureuse en décembre 2003 mais en plus sûre, quand j'aurais tenté partout ailleurs de m'élever et que rien ne sera plus juste qu'un retour aux sources au creux de son cou. J'aimerais tellement le retrouver.
Je devrais prendre la décision mais je ne peux pas. Je décide de vivre les choses chaque petit jour après l'autre, doucement, certainement trop, et je repousse à bouts de bras les jours où tout sera tellement évident que je ne pourrais plus éviter de faire face. Je ne prends pas cette décision parce qu'elle est beaucoup trop lourde, je la traine loin derrière moi, mon boulet de choix au bout d'une chaine maillée de trop petits espoirs et de trop fragiles évidences. Certains jours les espoirs grandissent, je retrouve un peu de consistance émotionnelle, je pense à nos enfants et à tout ces artifices qui maintiennent la longueur de la chaine, les attentes de nos familles, nos amis, nos projets et notre histoire, nos choses à nous, pleins de mauvaises raisons et quelques vrais sentiments, et je refuse de trier. Certains autres jours je trie quand même, je n'en suis pas encore à faire une liste des pour et des contre, parce qu'un contre peut peser dix pour et vice versa selon la couleur du ciel, le nombre de bouchons de rhums avalés la tête contre l'épaule des autres, le gout du café ou l'agressivité des pollens contre mes bronches. Alors je ne prends pas de décision, je vois des gens et ça va mieux, je reprends quelques activités audiovisuelles, je me prépare à exploser ma robe de soirée à Cannes en fréquentant les salons de thés princieux avec Milk, je squatte des tournages en lutte, je me saoule la nuit au rhum et aux sourires des autres. J'évite les questions parce que je ne sais pas y répondre, je sais bien que l'évidence est presque déjà là, que je perds un maillon d'espoir pour chaque jour à tenter de rallonger la chaine, qu'en parler avec lui ça marche un peu mais finalement pas tant que ça, que je suis complètement perdue et que toutes leurs questions ne me renvoie qu'à ça, à comment je suis pathétique à vouloir m'accrocher à une histoire trop vieille pour qu'ils puissent la comprendre, à comment je me perds parce que je n'ai pas connu la vie sans lui, parce que je ne sais pas comment on quitte un homme et toute une vie, parce que certainement j'ai peur de la logistique à mettre en œuvre dans une séparation, et que je n'en ai pas envie là maintenant. Alors je ne la prends pas, cette décision, je la traine jusqu'à plus tard, plus tard demain ou plus tard un an, ou plus tard jamais, on verra.
Mon processus d'automédication anti-dépression comprenait l'abandon de la contraception à base d'hormones, je me disais qu'au vu de notre non-rythme sexuel ça ne changerait pas grand chose... Sauf que ceci expliquant certainement cela, sans pilule je suis devenue affamée, je reconstruis notre intimité comme je peux, j'achète des solutions alternatives à base de latex et je tente d'introduire le nouvel élément au milieu de nos ébats. Alors il se retrouve comme un jeune con, absolument démuni devant ce truc, et moi je ne sais pas mieux faire, c'est la première fois pour tous les deux et avant que tout ne soit retombé définitivement on abandonne devant notre incapacité à simplement mettre un préservatif... Une fois tous les deux morts ses mains sous mes hanches et ma bouche dans son cou, je tente une séance d'entrainement avant que l'animal ne se rendorme, et en fait bordel ce truc est juste trop petit... Je réalise naïvement tout ce que ça implique d'être femme d'un seul homme, l'absence totale d'élément de comparaison, et voilà il va falloir acheter du XL ou je ne sais pas quoi. En attendant ,ce matin nos enfants morts me réveillaient doucement, j'ai tenté de me rappeler des dates clefs du cycle menstruel non modifié, j'ai tendu la main vers la boîte de mouchoirs et je me suis rendormie...
Il m'a mise dehors avec sa carte bleue et un aller retour pour Paris, pour se faire des vacances de ma déprime à fleur de peau et à flan de baignoire... Et j'ai pleuré sur notre besoin d'éloignement, sur tout ce qui fonctionne mieux avec quelques centaines de kilomètres qui se rejoignent sur les quais un week-end sur deux, sur sa lucidité placide de me savoir mieux là bas loin, sur notre nécessité de s'oublier trop souvent. Alors je passe une semaine absolument revival de nos week-ends d'acolytes déchainées, Liba fraichement libérée d'une histoire éprouvante et nos rires sur les plateaux de cinéma, dans les rues de Paris, dans les soirées à la bière et au B.I.A., dans les chiottes du Point Éphémère, devant les murs in progress de Jim chez Dune et hier soir au Divan du Monde... Je m'occupe de la sortir de son monde trop plein d'apprentis cinéastes arrogants pour l'emmener tomber amoureuse de Vandaveer, son regard, ses dents, sa voix... Ensuite il y avait nos visages frigorifiés à La Fourmi, une fille qui chantait juste en face et un homme qui dansait avec une chaise, l'équipe Blogothèque qui a emmené tout son petit monde plus haut et nous qui sommes restées là, heureuses et encore toutes enchantées, Mat qui nous offre à boire et la course pour attraper le bus de nuit. Je retrouve tout ce que j'aimais ici alors j'envoie volontiers des cv à ceux qui me le réclament ou à des offres de job de rêve dans le 20ème, j'hésite à repasser avant Cannes pour Metric, j'achète un pass Navigo et je lui promets d'être de retour bientôt...
Je ré-écoute
Le Long Sac de Pierre et les sons subliminaux depuis mon très
petit lit sous le ciel Cannois, je me rappelle alors un autre
festival, mes trop jeunes années loin déjà,
comment commencer trop vite puis peut-être en tomber, comment
s'éloigner de tout ce qui aurait pu puis ramer à
contre-courant, comment rattraper le temps qui pousse aussi vite que
mes cheveux que je m'applique à raccourcir chaque mois un peu
plus.
Non non hush hush tu ne
pousses pas tu ne pousses plus regarde comme c'est facile comme l'on
revient en arrière en arrachant ce qui dépasse...
Je suis entrée là
très vite et tout a disparu sitôt mes talons sur le
tapis du palais. J'ai pu oublier l'océan, mes pieds nus sur le
bois chaud de la terrasse, mes paumes contre la pâte à
pain que je laisse lever dans l'arrière cuisine, puis la fête,
mon vieux papy qui lèche le plat de crème à
gâteau, ses larmes qu'il cache dans ses sourires quand ils lui
chantent son merluchon, qu'on sera encore là pour fêter
ses 112 ans, et 80 c'est pas grand chose c'est 4 fois 20, et mes
larmes que je cache dans l'arrière cuisine le nez contre la
porte du frigo, le chocolat sur ma robe, les histoires d'enfance, de
guerre, et de piscine de Rabat, et un olivier plus grand que lui mais
c'est normal mon papy il est petit. Je croirai toujours que mon papy
est un immortel qui nous regarde grandir en rigolant, il a survécu
à tant de guerres, des grandes et d'autres petites, des loin
dans la jungle et d'autres tout juste dans l'escalier, des guerres à
bombes et d'autres à scalpels, des guerres de gens et des
guerres d'idées, des guerres d'enfant à baluchon et des
guerres de vieil homme à oiseaux, des guerres passées
et encore tellement d'autres à venir qu'il gagnera toutes en
riant fort, en grimaçant pour la photo, en cachant ses larmes
dans son gâteau aux petits bruns...
La
main d'un autre type posée au dessus des portes, sur le
panneau sur la ligne bleu passé, les doigts entre St Lazare
et Miromesnil moi je regarde les veines, la couleur de sa peau,
comment cette main d'un autre type me rappelle aussi violemment celle
qui me manque là très vite. Le métro s'arrête
évidemment, il fait noir et chaud et je ne vois pas de sortie
pas d'air je voudrais sa main là très vite et je me
concentre sur l'autre, si je regarde un peu flou je pourrais croire
que c'est la sienne, très proche, aucune panique les doigts
posés comme ça doucement sur les pastilles bleues, et
la migraine ben tu regardes trop flou c'est la rançon de tes
petites fourberies imaginées, ton perdu pour un rêvé,
l'autre type il se retourne et il sourit. Infinity redémarre, en boucle pour tenir. Le con je pourrais
l'égorger de n'être pas lui.
Un œil sur le coin en bas
à droite de l'écran, le couteau encore en plein étalage
fromage versus miel, la question inexorable est ce qu'en 20 minutes
je peux être partie? Toute mon expérience de mon
incapacité à respecter les limites temporelles je
tartine allègrement, jusqu'au point où il faudra
choisir entre un coup de bluff au mascara ou un passage aux chiottes.
Finalement, les 20 minutes sont déjà loin et bien sûr
que je n'ai pas choisi, je ne suis suis pas du genre à faire
ce genre de choix, je préfère toujours repousser le
moment où il faudra sortir.
Entre la mairie et le
métro je prends quelques instants de lumière pleine
face, en contre jour du soleil de 10h je vérifie tous les
jours le retour progressif de ma blondeur natale. Quand le métro
marche, un jour sur deux, au moment de choisir entre 2 et 3 même
s'il faudra marcher je préfère toujours la lumière,
le soleil encore au dessus de Magenta, des rails et des Thalys, pas
encore sur le Canal mais en face dans le bâtiment agf dont il a
manqué les lettres lumineuses pendant mes années au
studio d'Andy. De mes trajets historiques je retiens le dehors, au
dessus de la Seine pour Austerlitz ou le passage du rer C derrière
la tour Eiffel, la maison de la radio, la Seine, toujours. Je
regrette le tram, passer la Loire en silence, toujours voir dehors,
nos places le long des rails. Dans le métro quand il fait noir
je m'entiche d'amis de trajet, le mec aléatoire qui lit un
vrai livre c'est souvent lui, il y a celui qui monte toujours à
Colonel Fabien avec un gros sac et un gros casque et qui lit par
dessus mon épaule ce que j'écris dans mon agenda, le
plus effrayant est là depuis 4 ans, quand je traverse la rue,
dans la même rame, quand je descendais à la banque ou
quand j'y retourne chercher Liba à qui j'ai fini par refiler
le job. Il m'est même arrivé de le voir passer sous ma
fenêtre à Rochechouart un dimanche matin. Il est
toujours là, avec ses gros cheveux bouclé attachés
dans le cou, sa parka bleue, sa mallette trop légère
pour être sérieuse. Mon fils cosmique revenu du futur
pour s'assurer que j'effectue bien mon destin pas à pas. Il
est certainement descendu sous une serre pour tourner une roue gelée
qu'il aura d'abord débloqué avec un pied de biche...
Maintenant je suis là, dans les cartons de Li en pleine
rupture, dans un appart froid et humide à coté du
château, je rêve d'une seule chose, ce soir le voir
sortir de la gare de Nantes et l'emmener se cacher sous une couette,
avec des clémentines et du fromage et la saison 5 de Lost. Des
vacances, mes doigts dans ses cheveux tous récents, l'océan,
de temps en temps.
Quelque chose comme tire sur ta jupe ou arrête de filer tes collants dans les amplis, même si les hippies californiens trouvent ça cute dès le matin, je me donne des ordres intérieurs, je m'intime de rester concentrée, je finis par croire que c'est de parler anglais qui me dissocie. Après leur petite chanson je lui dit que je trouve ça tellement chouette comme réveil que je voudrais bien ça à peu prêt every morning, et lui, trust him, lui aussi, en hochant des lunettes, il fait même pas soleil. So you don't want to leave Paris, mes jambes filées non plus, j'oublie à peu près tout exprès, j'entre en chuchotant dans le bureau d'un grand chef chez la grand méchante major, il écoute Léo Férré très fort, en vinyle, ça ne peut qu'être bon signe. Mais je ne signe pas encore, je serre la main droit dans les yeux, il connait tous les gens avec qui j'ai si bien travaillé, sur-recommandée pour un job que je ne veux qu'à moitié. De l'autre coté ça sent moins bon même si y'a moins de poussière, y'a des défis et de l'argent, y'a des images et la vie souple. J'en suis au point de me faire des œufs en forme de petit lapin donc bon, j'imagine qu'il me restera le temps, en plus d'avoir une vie rangée, plus tard d'avoir un job trop chiant. Dehors j'ai l'air d'une meuf qui renifle mal fagotée, à l'intérieur j'ai encore l'envie amère de revoir le turc sur un malentendu, tu assumes ou tu supposes? hmmmmm, tricky...
Mes pieds qui tanguent en faisant pac pac, ça fait ricaner les mecs en cuirs, marcher vite à plein de bruit. Au milieu de la grange aux belles ça sent le pain grillé, ça voudrait dire des vacances au lieu de mal dormir un peu partout chez les autres, encore pire quand les régisseurs idiots réussissent à t'enfermer dehors à minuit et demi. Des mojitos au litre ça tremble encore sous mes ongles, je suis habillée comme la veille à me dire que tout le monde le sait mieux que moi, ceux qui lisent me disent tous que je n'y arriverai pas vraiment, que je ne bluffe que mes petites naïvetés qui sont mignonnes un temps mais qui finissent par me laisser cruche.
Je supprime la première séquence parce qu'elle sert à rien, pendant ce temps il tape Koibito dans son gtalk, il sourit avec un d majuscule, une tête qui sourit dans ma petite fenêtre qui clignote et lui tout seul dans notre salon trop grand il fait du nihon-go il mange ce qu'il appelle une soupe mais c'est juste du concentré de tomates dilué et beaucoup de piment. A l'imaginer tout seul avec sa lave en fusion qui slurp et qui sourit sur internet et qui m'appelle Koibito, je me demande si je le verrais sourire en vrai ou si c'est rien qu'un d majuscule, je finis par chialer sur ma séquence 1, si je la supprime faut refaire toutes les descriptions dans la 2, tant pis je ferme je vais me coucher, renifler dans mon oreiller. Tous les quarts d'heure tout change de sens. Si j'attends un peu je vais trouver ça génial un stage à New York ou un boulot de prod de concerts, si j'attends que ça passe je vais adorer me trouver un studio toute seule et draguer à droite à gauche des mecs jolis arty et disponibles, si j'arrive à attendre encore, je choisis la nouvelle vie, gagne un peu de fric, pense carrière, mouche toi le soir dans un coin de la taie. Il veut pas que je pleure, il trouve que ça sert à rien, il a rien compris ça sert à tout, il dit que quand on aura une petite un autre jour on pourra plus partir à New York même pas avec toi ou aller filmer des indie rock band dans des chiottes de bar ou des lavomatics stylés. Après un autre me dit que je me noie dans mon verre d'eau, et moi je trouve que je nage plutôt bien pourtant, en rond comme ça, toutes les 15 minutes je voudrais tous leur dire, ben non, je rentre chez moi, je l'embrasse la nuit, il m'entoure très fort, je ne vous écoute plus. Il faudrait que j'arrête les ronds, parfois toute seule je m'essouffle je m'étale en planche, je regarde l'air au dessus, mais c'est pas vrai je regarde rien, y'a rien qui vient y'a tout qui stagne, là devant il va falloir choisir dans quel camp tu entres, dans quelle moitié de vie tu préfères regretter l'autre. Y'a de l'eau de vie de poire dans ma tasse, j'essaie d'accélérer la noyade dans l'eau chaude, un actifed rhume, un rouleau de pq, le clic clac tangue un peu mais ça devrait tenir.
A 4h du matin dans le taxi, traverser la Garonne un peu trop vite, c'est
pas encore la gueule de bois, j'en suis au point de chialer quelque
chose proche du martini pur. Une bouteille à nous deux, quelques noix,
Jordan qui gribouillait sur la table, Faustine le visage creux gris de
fraiche rupture, on a réussi à en rire pour ne surtout pas
penser aux prochaines heures pour les prochains mois. Finalement trop
bourrés pour le goodbye sex, ça m'apprendra. Le chauffeur fait mine de
comprendre, il a une boîte de mouchoirs de psy, je l'ignore par la
fenêtre, la Garonne, Blagnac. L'excédent de bagage c'est mon gros
disque dur plein de tout ce qu'il faut finir, je n'ai pas vraiment de
bagage à main, je crache 50€ quelle organisation. J'écoute l'ami
Bertrand qui peuple parfaitement la torpeur des aéroports, je survole
Bruxelles à l'aube et c'est tellement beau je me demande pourquoi
partir.
J'ai attendu ma claque, en tirant ma valise dans le Air train, en
tentant de sortir à Nostrand, en pataugeant dans la neige bouillie.
J'habite l'équivalent de châteaurouge/châteaud'eau, les gens sont très
gentils, les maisons sont mignonnes, mais pour l'instant rien ne vient.
Manhattan, vite fait parce qu'en fait je passe mes journées entre un
métro cracra et un écran d'ordinateur. Comme à Paris, comme dans
n'importe quelle grande ville occidentale. Oui c'est haut, les gens vont
vite, il parait que tout s'y passe, mais le MoMa est blindé de monde et
moins chouette que Beaubourg, les bagels sont remplis d'une couche de 5
cm de cream cheese (pourtant je voue un culte au cream cheese mais je
n'ai pas su finir), je comprends pas la différence entre un muffin et un
cupcake, Topshop est la plus grande arnaque du prêt à porter (qualité
H&M pour 3 fois le prix), les carottes sont amères, le café est
dégueulasse, j'ai vu en courant un des symboles touristiques de la ville
: Time Square, un panneau publicitaire géant (très représentatif), il
fait nuit à 16h30, il caille sa mère et j'arrive pas à trouver un
manteau. Accessoirement, je suis pauvre.
Je crois qu'il me manque la mythologie de départ, le NYC en touriste, je
comprends pas tout ce ramdam des jeunes hypeux qui se font leur semaine
à Manhattan, leur aprème à Williamsburg et qui reviennent en rêvant d'y
vivre, qui te parlent de leur grosse claque, tu vas voir c'est génial,
t'as trop de la chance. Pour l'instant, j'ai surtout des tonnes de
boulot tout en anglais, des scénarios à écrire, un film à tourner avant
avril, un clip à faire, une série TV à créer. Je suis super
enthousiaste, même si j'ai l'air de grommeler comme ça (j'ai le droit
ici seulement), c'est juste que j'aimerais qu'on m'explique quand vient
la claque de l'American way of life, quand est ce que je vais me dire
qu'en effet c'est vraiment différent. J'ai l'impression d'être à Paris
en plus grand, d'ailleurs la ville est peuplée de français, où que
j'aille, dans la rue, au wholefood, au liquor store, en cours (!!) et
dans n'importe quel métro les gens parlent français. Dépaysement total. A
part ça, on a tous à peu près la même garde robe, on écoute la même
musique, on aime les même films, on regarde les même séries et on rit
aux même bagues... J'imagine qu'une école de cinéma réduit certainement
le décalage possible, c'est juste un peu frustrant (heureusement ma
coloc est haïtienne).
Pendant ce temps, de l'autre coté de la terre, y'en a un qui se
nourrit exclusivement de semoule en regardant les infos tunisiennes en boucle et d'autres qui se préparent à tourner mon scénario, avec mon frère et mon caisson subaquatique... j'ai
mal au ventre à chaque cœur sur Gtalk et à chaque photo made in
Boulogne-sur-mer que je reçois. Parfois je regrette d'être partie,
puis je me dit déjà un mois, surtout plus que 3, faudrait songer à en
profiter. Heureusement, j'ai quelques boutons faciles à pousser pour
marcher vite sur la 23rd, accélérer mon bpm interne et retrouver le duwah...
Both way open jaws, transport express directement sur mon bureau beige qui filait mes collants, je mets très fort pour rester concentrée, y'a toujours des mecs qui hurlent des horreurs dans mon wagon, y'a toujours une conne pour essayer de crier plus fort, je sors à Fulton street, prendre uptown pour aller downtown, logique, le retour en terres américaines c'est mon enfermement dans un projet trop gros pour mes épaules d'expat qui ne sait pas demander de l'aide. On m'en a offert, on me l'a reprise, je me suis retrouvée toute seule et finalement j'apprends dans la douleur que malgré toutes les équipes que l'on monte je rentre dans un métier de solitaire. Un casting tout en awkwardness, un conflit israelo-palestinien sur mon plateau de répétitions, une évidence comme on te les raconte dans les making of, elle est entrée elle a dit la première phrase et c'était elle. Je me suis moquée de ma propre façon de me prendre au sérieux, en vrai j'hésite toujours à prendre ça au sérieux, je dédramatise et je blague gentiment mais à chaque cut je m'enfuis quelque part pour reprendre mon souffle. You're overreacting il dit, et j'essaie de lui expliquer que si je ne prenais pas ça à coeur, ça serait inquiétant quand même. Il me dit que c'est pas comme ça qu'on dirige, que s'il arrive en retard c'est de ma faute, il change son lanning toutes les heures et quelques instants avant de tourner la fin il me dit comme ça, accroupi dans la salle de bain, qu'il pense qu'il aurait mieux fait de ne pas accepter de faire ce film. Évidemment. Le don du perfect timing, je collapse dans la baignoire, il s'excuse, il oublie tout, il met tout par terre tandis qu'elle installe consciencieusement sa poche de sang dans son jean. L'heure d'assumer les erreurs de casting, et tout le monde a l'air de trouver ça tellement normal, parce que c'est un acteur, that's what actors do. Okay. Je termine en catastrophe, j'avale les reproches et les "there's no easy way to say this, we lost all the master shots of the first scene".
C'est de se retrouver seule, même s'il est juste derrière moi son dos contre le mien. C'est toujours de ce silence-là que soudain il faut écrire. Ensuite il s'est retourné, moi aussi, et c'est passé, j'ai oublié les phrases qui m'était venues toutes ces fois. Je suis quand même revenue lire mes archives, j'ai galéré à retrouver mes identifiants, j'ai publié le dernier brouillon. J'ai failli poster ici plusieurs fois, je l'ai fait dans ma tête en tous cas. A chaque fois pour raconter l'année d'avant. Je sais pas pourquoi j'ai ce réflexe souvent de me souvenir où j'étais il y a un an. Je n'avais plus de journal ici, j'ai certainement dû le twitter. Pourtant comme ça je ne suis pas très anniversaire. A la banque on s'est regardés longtemps en silence, puis en riant on a fini par chercher dans le livret la date de notre mariage. Les souvenirs, pas les dates. Finalement j'ai jamais fait cette note sur NY, ni sur tout ce qui a suivi. Un film, un retour, une amitié perdue, une inconscience, les festivals, un autre film, la vie. Je viens de remonter mon twitter de l'époque, je devrais reprendre celui là, arrêter de mélanger le privé et le public, faire attention un peu.
Il y a un an, un truc du genre je vomissais du jus d'avocat dans un caniveau de Casablanca. Il y a deux ans "Cocain on a Brooklyn rooftop, hello cliché!". L'inventaire depuis, bien sûr des trucs qui changent. Une date que je me suis surprise à retenir, quand j'ai dû répondre "on est le 9 décembre" il y a 3 mois, je me suis demandé un instant pourquoi cette date me paraissait si familière. Ha. Oui. Souvenir combiné de toutes les secrétaires médicales que j'ai croisées en 2012 qui tournent alors les 2 disques avec l'attache parisienne et qui notent les semaines écoulées. Et un peu comme NY, depuis j'attends la claque. J'avais regardé pleins d'emissions sur le sujet, et toutes ces filles qui te racontent la vague d'amour au premier échange de regard, le truc à te faire sentir mauvaise mère dès les premières minutes. En vrai je culpabilise pas, j'essaie de me rassurer à me dire que c'est peut être plus sain. Parfois je réalise un peu, c'est bizarre d'être le special someone de quelqu'un. Moi qui suis si peu tactile j'ai bien dû accepter d'être le contact magique et l'odeur du réconfort. Je fais du zèle pour ne pas changer, je me suis pas arrétée de travailler ni de pédaler, j'ai passé mon temps à revendiquer que tout allait bien. Peut être aussi parce qu'à chaque plainte il me ressort des horreurs, comme si ces 3 jours de crises en janvier n'avaient jamais trouvé de conclusion.
Finalement ça va faire 6 mois, je crois qu'enfin j'y arrive, c'est pas une vague, c'est petit à petit... j'ai un coeur de pierre sûrement, s'il disparaît je ne suis pas encore certaine d'être dévastée, mais j'aime bien quand il se cache dans mon cou, c'est déjà ça.
évidemment ça ne dure pas les états de grâce où tu souries tellement et qu'il fait chaud. Finalement très vite tu as froid en t-shirt, ton thé est froid aussi, t'as plus envie de déballer les cartons t'as envie d'aller boire pleins de coups avec tes copines sauf qu'elles sont TOUTES loin. FUCK.
"La peur est un état passif, et l'objectif c'est d'être actif et de prendre le contrôle, d'être vivant ici et maintenant. Le mouvement se fait du passif vers l'actif, car si le passé n'est pas nié dans le présent, on ne vit pas."
(please...) Kha est capable de tenir une battle de xkcd pendant 3 heures, mais parfois ça dépasse juste mes capacités intellectuelles. Non je ne comprends pas les histoires d'amour mathématiques...
Je ne sais pas si j'avais vraiment
besoin de ça : boire beaucoup trop de martinis, tellement que
je devrais pisser en italien pendant encore quelques jours. C'est
même pas italien. Finalement je vais me finir à la soupe
dans un duvet... Je déteste cette ambiance camping chez moi,
et me réveiller à coté de Lu qui se tortille en
miaulant qu'elle veut des câlins, et sentir mon estomac se
retourner toute la journée malgré Ladurée et le
latte-cannelle... Je suis perplexe de mon aigreur... Non je ne suis
pas perplexe, j'ai juste la gueule de bois. Heureusement il y a
toujours du rouge pute.
N'empêche que. Andy peut dire ce qu'il veut sur le vol de musique sur internet. Lui quand il revient de chez ses 'potes' il a les bras chargés de cds gratuits. (et y'en a plein pour moiiiiiiii) (que j'ai déjà volé...)